Madeline Shoot

Publié le 20/07/2025
Depuis combien de temps êtes-vous membre de l’ACE?
Depuis près de deux ans.
Comment en êtes-vous venue à vous intéresser à l’ergonomie?
J’ai commencé à m’intéresser à l’ergonomie dans le cadre de mes études de premier cycle. Lorsque j’étudiais en kinésiologie, je voulais toujours en savoir plus sur les patrons moteurs et le développement moteur auprès de différentes populations. Lors de ma dernière année, j’ai pris le risque de m’inscrire à un cours d’ergonomie, car il cadrait bien avec mes intérêts pour la biomécanique. Ce cours m’a rapidement convaincue que faire carrière dans le domaine de l’ergonomie me permettrait de mettre en pratique mes connaissances et d’avoir un impact sur la vie quotidienne des gens.
Qu’auriez-vous aimé apprendre à l’école?
J’aurais aimé avoir la possibilité de travailler sur des projets qui ne sont pas basés sur un calendrier semestriel. Ce n’est pas quelque chose que j’aurais pu apprendre à l’école, mais je pense que c’est une chose qu’on doit découvrir à un moment ou à un autre au cours de nos études postsecondaires. À l’école, on entend souvent parler de projets impressionnants réalisés par des personnes occupant des postes dont on rêve, et dont la durée s’étend souvent sur plusieurs années. C’est un concept difficile à comprendre tant que l’on n’a pas participé à un projet qui dure plus d’un semestre. Comment peut-on rester motivé sur un projet dont l’échéance est si lointaine, voire incertaine? J’aurais donc aimé avoir des conseils sur la façon de m’habituer à des échéanciers longs et variables.
Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre métier d’ergonome? Quel est l’aspect de l’ergonomie qui vous plaît le plus?
En tant qu’ergonomes, nous faisons partie des rares professionnels à pouvoir exercer ce rôle unique. Nous sommes dans une position qui nous permet de défendre les intérêts des travailleurs de première ligne — qui sont souvent ceux qui ressentent le plus de douleur et d’inconfort — auprès de personnes qui sont les mieux placées pour apporter des changements et atténuer cette douleur. Bien que cette fonction comporte des défis, elle peut être incroyablement gratifiante lorsque nous réussissons. L’un des aspects que je préfère dans mon métier d’ergonome est que je peux agir à titre de porte-parole afin de préconiser des modifications pour les personnes qui en ont le plus besoin. Le fait de toucher aux principes généraux de l’ergonomie est aussi très spécial.
Je ne sais pas si je dirais que c’est ce que je préfère, mais cela fait certainement partie de mes aspects préférés, soit le fait de faire partie d’une discipline (relativement) nouvelle. Contrairement à d’autres disciplines scientifiques comme la biologie ou l’anthropologie, l’ergonomie est une discipline très récente. Cela suscite de nombreuses caractéristiques uniques que l’on peut percevoir comme un défi ou une formidable opportunité. Étant donné que l’ergonomie est une discipline très récente, la plupart des principes qui guident notre travail n’ont pas encore été publiés, voire étudiés. Par exemple, les tâches de levage ont fait l’objet de nombreuses recherches par le passé. Grâce à plusieurs études, nous savons quelle charge maximale soulever, dans quelle position et à quelle fréquence. Soulever des objets ne représente qu’une action parmi des milliers d’autres que nous effectuons quotidiennement, mais c’est malheureusement l’une des seules pour laquelle il existe des directives, des réglementations et des recommandations. Les ergonomes pourraient tirer profit de directives supplémentaires et d’une meilleure compréhension des risques dans de nombreux autres domaines. On peut donc considérer cet aspect comme un défi en ergonomie, car ça peut vraiment nous compliquer la vie. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai cherché une procédure particulière pour finalement constater qu’elle n’existait pas. Mais cela veut simplement dire que nous avons encore beaucoup de travail à faire. Il est essentiel de mener davantage de recherches et de publier davantage les résultats de ces recherches. C’est ainsi que nous continuerons à approfondir nos connaissances dans ce domaine et à apprendre au fur et à mesure. Le fait d’évoluer dans une nouvelle discipline permet aux ergonomes d’apporter des améliorations concrètes en élargissant notre champ d’action, car il reste encore beaucoup à découvrir.
Quelle est, selon vous, la meilleure occasion qui s’offre aux ergonomes pour l’avenir?
À l’heure actuelle, il y a un engouement pour la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle. Je ne nie pas que ces technologies représentent une excellente occasion pour l’ergonomie et les facteurs humains, mais je pense qu’il existe des opportunités plus importantes et plus rapides dans d’autres domaines. Par exemple, la conception inclusive fait partie de l’un de ces domaines. Quand je parle de conception inclusive, je fais référence aux conceptions, systèmes, produits ou autres qui ont été créés en tenant compte de diverses populations plutôt que les personnes physiquement aptes au travail seulement. En tant qu’ergonomes, nous avons la chance d’avoir reçu une formation sur la façon de concevoir en fonction de capacités différentes. Nous concevons pour les personnes situées aux deux extrémités du spectre anthropométrique, ce qui nous confère les connaissances et l’expérience nécessaires pour inclure les groupes souvent oubliés. Concrètement, cela consiste à créer des lieux de travail où chacun peut accomplir son travail, quelles que soient ses capacités physiques ou mentales. En abordant les processus de conception en tenant compte de ces populations, nous préconisons donc un lieu de travail inclusif. Cela commence par notre volonté d’être invité à la table des dirigeants d’entreprise qui croient en l’importance d’intégrer un ergonome dans le processus de conception. Ensuite, il est de notre responsabilité de comprendre les capacités de chacun et de les intégrer dans le processus de conception afin de créer un environnement sécuritaire, efficace et ergonomique pour tous.
Quels conseils donneriez-vous à un.e étudiant.e ou à un.e jeune professionnel.le débutant en ergonomie?
Je me considère encore comme une jeune professionnelle qui débute dans le domaine de l’ergonomie, mais si j’avais un conseil à me donner il y a un an, ce serait de dire oui chaque fois que cela est possible. L’ergonomie est une petite communauté, donc s’impliquer dans des comités et des groupes bénévoles peut s’avérer très enrichissant sur le plan professionnel. Mon implication dans les communautés d’ergonomie en Amérique du Nord m’a permis de nouer un réseau de relations qui m’ont aidée à m’épanouir en tant qu’ergonome, que ce soit dans une perspective de planification de carrière ou simplement pour me rappeler de faire calibrer mon dynamomètre! Enfin, notre travail ainsi que la formation et l’expérience nécessaires pour l’accomplir ne sont pas une mince affaire. Le fait d’avoir parcouru tout ce chemin devrait suffire à vous convaincre que vous pouvez aller jusqu’au bout.